La dissolution surprise de l’Assemblée nationale par le président de la République le soir des résultats des élections européennes, la perspective de voir le Rassemblement national (RN) arriver au pouvoir lors des élections législatives anticipées, la crainte d’un fiasco dans l’organisation des Jeux Olympiques… tout laissait croire au début de l’été que la France allait traverser de grosses turbulences.
Les "miracles" de l’été français
Et puis, il y a eu les "miracles" de l’été français avec la "surprise" du second tour des législatives où les Français ont fait renaître un front républicain qui était pourtant jugé moribond, une cérémonie d’ouverture des JO saluée dans le monde entier (en dépit des polémiques), l’organisation des épreuves dans des lieux souvent assez magiques, la ferveur exceptionnelle du public, la moisson de médailles françaises, la réussite populaire des Jeux paralympiques...
Et d’un coup la sinistrose française semble avoir disparue. Courrier International, synthétisant les réactions de la presse internationale, parle ainsi des "Français, champions olympiques de la joie", tandis que Luc Bronner dans Le Monde indique que "depuis l’ouverture des Jeux olympiques, les Français ont montré leur envie de partager, loin de l’image d’une société divisée émise par les élections européennes et législatives".
C’est ce qu’ont confirmé les résultats d’une très intéressante étude sur la façon dont les Français ont perçu les JO de 2024, qui a été publiée par le laboratoire Destin Commun. Ces résultats tendent ainsi à largement remettre en question nombre de visions qui étaient pourtant dominantes avant les JO
(1) Les Français ne vont pas s’intéresser aux JO : contrairement à ce que semblaient indiquer les résultats de sondages publiés avant les Jeux, ceux-ci ont été très largement suivis et appréciés par les Français. 78 % des Français interrogés affirment ainsi avoir suivi les JO et 73 % d’entre eux citent au moins un adjectif positif pour décrire le mieux ce qu’ils ressentent en pensant aux JO.
(2) L’organisation des JO par la France va être un fiasco et va renforcer l’image désastreuse du pays dans le monde : les JO ont très majoritairement suscité des émotions positives aux yeux des Français, à savoir de la fierté (45 %), de l’enthousiasme (32 %) et du bonheur (26 %). Destin commun parle même à ce propos de "parenthèse enchantée". Ce qui a rendu les Français fiers de ce qui s’est passé, ce sont à la fois les performances des athlètes français (41 %), l’ambiance et l’état d’esprit festif durant les JO (31 %), la cérémonie d’ouverture (23 %) et la beauté des sites olympiques dans Paris (20 %). Les Français ont aussi été marqués par la trêve politique, une réappropriation des symboles nationaux (le drapeau et la Marseillaise), mais aussi par les valeurs des athlètes : la joie communicative qu’ils inspirent, l’humilité, la simplicité et l’accessibilité.
(3) La France est un pays extrêmement divisé qui est au bord de la guerre civile : les Français sondés estiment eux aussi que la France est divisée (77%). Par ailleurs, ils ont une vision majoritairement négative du pays. Malgré tout, 55 % d’entre eux considèrent tout de même que la façon dont les JO se sont déroulés a renforcé leur confiance dans la capacité de la France à faire face aux problèmes auxquels elle est confrontée (contre 34 % qui ne sont pas d’accord).
En définitive, pour Destin commun, "La parenthèse enchantée des JO risque déjà de se refermer et la rentrée politique et sociale inquiète. Pour autant, il restera le sentiment que les moments de communion collective sont encore possibles et que le pire n’est jamais sûr". Destin commun parle aussi de "moment ‘suspendu’ de joie collective" ou bien de "la conscience d’un moment rare de communion nationale". D’ailleurs d’après les résultats d’une enquête OpinionWay publiée dans Le Parisien, au sortir de cette parenthèse enchantée, 78 % des Français interrogés se disent fiers d’être français.
S’appuyer sur ce qui s’est passé cet été
Le "monde d’avant" va sans aucun doute revenir en force avec nombre d’acteurs qui, dans l’espace public, vont mettre assez systématiquement l’accent sur ce qui ne va pas, sur ce qui divise, sur ce qui polarise, sur les doutes, voire la haine de soi, ou sur ce qui incite à être pessimiste.
Ce qui s’est passé cet été ne va pas nous permettre de sortir définitivement de la sinistrose française, mais on voit bien qu’il suffit d’un déclic positif, comme cela a été le cas avec les Jeux, pour qu’une vision plus positive de la France et des Français puisse s’exprimer et même s’imposer, au moins de façon provisoire.
Il ne faudra pas oublier ce que nous avons vécu collectivement durant cette période estivale.. Voici à ce propos un extrait du discours de Tony Estanguet lors de la clôture des Jeux paralympiques le 8 septembre dernier : "Cet été, tout un pays a vibré en même temps, devant les mêmes exploits. Au-delà de la langue que l’on partage, au-delà des valeurs que l’on porte en commun, des monuments et des livres d’Histoire, ce qui nous lie et nous construit en tant que nation, ce sont les émotions collectives. Ce qui nous lie, ce sont les souvenirs partagés. Et les Jeux nous ont offert de formidables souvenirs communs. Cet été, la France avait rendez-vous avec l’Histoire, et elle a répondu présent. Elle a eu l’audace d’imaginer des choses qui n’avaient jamais été faites : les premières cérémonies d’ouverture des Jeux Olympiques et Paralympiques hors d’un stade, le premier marathon ouvert à tous, les premiers Jeux au cœur de la ville… La France a eu l’audace de croire dans le pouvoir du sport. Avec les Jeux, on a redécouvert notre patrimoine, notre créativité et notre capacité à accomplir de grandes choses. On a redécouvert notre joie de vivre, notre impertinence parfois, et surtout toute cette énergie positive qui a explosé dans les tribunes. Ces Jeux auront été une rencontre de notre pays avec lui-même. La France qui sourit, la France qui s’aime, la France dont on est fiers, la France de tous les records".
Dans le même état d’esprit, Nicolas Charbonneau, le directeur des rédactions du Parisien-Aujourd’hui en France, écrivait dans son édito du 9 septembre qu’"On gardera mille images de cette parenthèse enchantée, mais surtout la conviction qu’ensemble, on peut tout envisager et mener les plus grands projets. Se dire qu’on n’est pas si mauvais. Et même, plutôt très bons. La France a montré cet été 2024 un esprit d’entreprendre inégalé, ne cédant rien au pessimisme ou au ‘ce n’est pas possible’, avec de la cohésion, de l’audace, de la confiance en soi et de l’ouverture au monde. Sachons nous en souvenir…"
Pour les Français interrogés par OpinionWay, l’héritage que l’on doit garder des Jeux olympiques et paralympiques est d’ailleurs la cohésion nationale (48 %), la bonne humeur, arrêter de râler (44 %), l’ouverture au monde (37 %), mais aussi l’audace de mener de grands projets (35 %) ou encore la confiance (26 %).
Cela signifie que cet été, les Français ont pris conscience de l’existence de ressources collectives qu’ils ne soupçonnaient pas et qui pourront leur servir lors d’autres épreuves qui, cette fois, ne seront pas nécessairement sportives...
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