Dans une période où les événements particulièrement dramatiques et/ou inquiétants tendent à se multiplier – guerres, phénomènes climatiques extrêmes, montée de l’extrémisme et de la polarisation politiques –, il est crucial d’avoir malgré tout des messages d’espoir.
Ce fut le cas les 14 et 15 octobre dernier lors du forum World in Progress organisé par le groupe de presse Prisa (El Pais) à Barcelone, et tout particulièrement lors de la conférence de clôture présentée par le célèbre psychologue Steven Pinker et intitulée "6 raisons pour l’optimisme". Cette conférence est visible sur YouTube (à partir de 3h28).
Steven Pinker s’interroge tout d’abord sur ce qu’est le progrès qu’il définit comme l’amélioration du bien-être humain. Il explique à ce propos qu’il n’est pas facile de prendre conscience des progrès qui ont été réalisés si l’on ne s’informe que par l'intermédiaire des médias car, pour lui, "les informations (News) sont une manière systématiquement trompeuse de comprendre le monde". C'est notamment le cas parce que ces médias s’intéressent à ce qui se produit, et pas à ce qui ne se produit pas, et à des événements qui se produisent de façon brutale, et pas aux changements graduels largement invisibles. Ceci est lié aussi au biais de négativité à la fois de notre cerveau et des médias, biais qui nous conduit à être plus attentifs et sensibles aux mauvaises nouvelles qu’aux bonnes, et en particulier aux mauvaises nouvelles récentes.
Steven Pinker se demande ensuite si, depuis la parution de ses deux principaux ouvrages – La part d’ange en nous (2011) et Le triomphe des Lumières (2018) où il présentait 75 graphiques montrant les progrès effectués par l’humanité –, le monde n’est pas en train de sombrer compte tenu des événements qui se sont accumulés ces dernières années : Daech, pandémie de Covid-19, guerres en Ukraine et à Gaza, récession démocratique…
La poursuite des progrès y compris ces dernières années
Steven Pinker répond à cette question par la négative en mettant l’accent sur la poursuite des progrès dans différents domaines-clefs :
L'espérance de vie, malgré l’épisode de la Covid-19
L'état de santé dans le monde (mesuré en l’occurrence par la baisse régulière du nombre d’années perdues à cause des décès prématurés et de l’invalidité ou par l’effondrement du nombre de personnes qui meurent dans une famine)
La prospérité et l'évolution du niveau de vie (mesurées par le PIB mondial, le PIB mondial moyen par habitant ou l’extrême pauvreté)
La paix dans le monde (mesurée par la baisse du pourcentage de décès sur les champs de bataille ces dernières décennies)
La liberté et les droits (mesurés par l’évolution de l’abolition de l’esclavage dans le monde, du nombre de démocraties électorales, du droit des femmes, du droit des LGBTQ+, et de l’abolition de la peine de mort)
La violence (mesurée par l’évolution des taux d’homicides)
La connaissance (mesurée par l'évolution de l’alphabétisation et de l’accès à l’éducation de base)
Le bonheur et le bien-être (mesurés par la corrélation entre le niveau de revenu et le bien-être, ou la baisse des taux de suicide)
Une autre façon de voir la réalité, plus que de l'optimisme
En conclusion, Steven Pinker souligne que ce qui représente une menace pour le progrès, ce sont la moralité religieuse, l'autoritarisme nationaliste et le populisme, les idéologies réactionnaires qui veulent en revenir à un soi-disant âge d’or ou encore les idéologies révolutionnaires qui veulent démanteler le Système pour repartir à zéro.
Il refuse néanmoins d’être présenté comme un "propagateur d’optimisme". Il considère qu’il ne faut pas regarder le verre à moitié vide ou le verre à moitié plein. Il invite seulement à voir le monde sans se cantonner aux titres de la presse, mais en observant les tendances sur le long terme qui, d'après lui, sont, pour la plupart, positives. Pour lui, "ce n’est pas de l’optimisme, c’est juste une autre façon de comprendre la réalité". Il invite d’ailleurs à se montrer conscient des dangers, des souffrances et des injustices et considère que le progrès est loin d’être inévitable (et que les problèmes sont inévitables et que le progrès est non naturel et qu'il est même un miracle).
Enfin, Steven Pinker insiste sur les dangers d’un "pessimisme irréfléchi" qui ne peut, selon lui, que conduire au fatalisme et au radicalisme.
Lien pour une synthèse en anglais des principales interventions lors du forum World in Progress : https://english.elpais.com/international/2024-10-15/in-search-of-a-geopolitics-of-hope.html
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